Un fragment de la « vraie croix » en l’église St-Lubin.

La passion pour le patrimoine tient non seulement à la volonté de protéger et de mettre en valeur ses innombrables richesses mais aussi aux constantes découvertes de nouveaux trésors. C’est ainsi que nous avons eu récemment confirmation de la présence en l’église Saint-Lubin d’un reliquaire contenant un fragment de la Vraie Croix. Cette relique exceptionnelle a été présentée, comme  chaque 14 septembre, lors d’une messe dite par le Père Amaury Sartorius. Elle représente  un objet de vénération  pour tous les chrétiens mais constitue par son importance dans l’histoire de nombreuses civilisations un élément essentiel de notre patrimoine.

Les premières questions que l’on se pose sont évidentes: comment ce fragment est-il arrivé à Rambouillet et quelle est son authenticité ?

Pour pouvoir répondre, il est bon de reprendre l’histoire de La Croix sur laquelle il est dit que Jésus fut crucifié. C’est une histoire extraordinaire et pleine de rebondissements. Le 3 mai 326, il y a donc prés de 1700 ans, des ouvriers sont au travail sur un chantier de fouilles, sur la colline du Golgotha, près de Jérusalem qui faisait alors partie de l’Empire Romain. La ville avait été rasée, deux siècles plus tôt, sur ordre de l’Empereur Hadrien en répression d’une révolte des Juifs.

Quand ces hommes découvrent au milieu des pierres écroulées trois croix de bois, ils appellent l’Impératrice Hélène, qui venait de se convertir au christianisme. Elle découvre sur l’une des croix l’inscription « Jesus Nazarenus Rex ». Elle n’a aucun doute et tombe genoux devant ce qu’elle sait être La Croix sur laquelle est mort Jésus. Elle avait été jusque là cachée et protégée par les chrétiens échappant aux persécutions romaines.

L’Impératrice décide aussitôt de faire construire un nouvel édifice pour accueillir cette croix, la Basilique de la Résurrection qui deviendra le Saint-Sépulcre. Évidemment, l’authenticité de cette incroyable découverte, bien que rapportée par de nombreux évêques pendant la deuxième moitié du IVème siècle et confirmée par un célèbre historien byzantin, Socrate le Scholastique, a été largement contestée dés cette époque. Cela n’a pas empêché, à partir de 333, de voir affluer des foules de pèlerins désireux d’approcher et de se prosterner devant la vraie croix.

Mais toute cette région méditerranéenne a connu pendant plusieurs siècles une histoire agitée. Ainsi en 614, les Perses, victorieux des Romains, s’emparent de la Croix avant que les Byzantins ne la reprennent quelques années plus tard pour la réinstaller à Jérusalem dont ils ont pris possession.

Ceci n’est pas du goût du Pape Urbain II qui n’accepte pas que la Croix du Christ soit entre les mains des Musulmans. Il lance la première croisade pour reprendre les lieux saints. Malheureusement pour peu de temps car la place est reprise par Saladin 1er qui place la Croix ou tout au moins une partie de celle-ci sous la coupole du Dôme du Rocher, devenue la Mosquée d’Omar.

La Croix est à nouveau entre les mains des Musulmans. Le Pape Innocent III décide de lancer, avec l’aide de la république de Venise, une nouvelle croisade pour la reprendre. La quatrième croisade est lancée en 1203. Les grands dirigeants européens restaient  assez réticents à s’engager dans une autre campagne en Terre Sainte, notamment la France et l’Angleterre qui étaient en guerre.

Toutefois, mobilisés par un prédicateur mandaté par le Pape, plusieurs barons montent une armée de 30 000 hommes pour y participer. Parmi eux un personnage bien connu des Rambolitains, Simon de Montfort.

Cette croisade visait la récupération des morceaux de la Vraie Croix conservés à Constantinople. Les Vénitiens, poussés plus par la grandeur de leur prestige que par  leur engagement religieux, la transforment en conquête de Constantinople qui va être prise et pillée. Ils parviennent à s’emparer des reliques conservés sous le dôme du Rocher, dont les morceaux de la Vraie Croix. Ayant ainsi éliminé les Musulmans, ils fondent l’Empire Latin de Constantinople avec lequel ils partagent ces reliques. Ce nouvel Empire ne cessera d’être attaqué pendant tout le XIIIIème siècle et pour faire face aux coûts de la guerre devra vendre  peu à peu son trésor.

Dés lors les fragments de la Vraie Croix vont être dispersés un peu partout dans le monde et être considérés comme perdus pendant plusieurs siècles. Pas complètement cependant car plusieurs d’entre eux vont être retrouvés. Notamment ceux achetés par Louis IX, Saint Louis, qui les abrite dans la Sainte Chapelle. De même il est reconnu que le plus gros morceau est conservé dans le Monastère du Mont Athos. Enfin, heureusement de nombreux fragments ont été conservés par les participants à la IVème croisade et parmi eux Simon de Montfort en remerciement de son engagement.

Simon de Montfort confie sa relique à la Cathédrale de Chartres. Pendant la Révolution, pour échapper aux pillages commis par la Terreur, elle sera transférée à l’église Saint Lubin de Rambouillet, la première encore située près de l’Hôtel de Ville,  pour terminer son voyage dans la sacristie de l’église saint Lubin actuelle.

Au delà même du symbole que représente cette relique pour les chrétiens, elle est, comme touts les autres fragments la plupart du temps gardés dans des édifices religieux, une part de notre patrimoine et Rambouillet peut s’enorgueillir d’en détenir un.