Rapport sur l’avenir du commerce de proximité.

30 propositions pour redynamiser les centres-villes et les quartiers prioritaires de la ville.

Paris, le 5 novembre 2025 – Face aux défis croissants du commerce de proximité et à la distorsion de concurrence des plateformes étrangères de e-commerce, et alors que Shein ouvre son premier magasin physique au monde en France, la mission sur l’avenir du commerce de proximité dans les centres-villes et les quartiers prioritaires de la ville (QPV) présente ce jour ses conclusions à Serge Papin, ministre des PME, du Commerce, de l’Artisanat, du Tourisme et du Pouvoir d’achat, et Vincent Jeanbrun, ministre de la Ville et du logement.
Commandé en mai 2025 par Juliette Méadel et Véronique Louwagie, alors respectivement ministre déléguée chargée du Commerce et ministre déléguée chargée de la Ville, ce rapport est le fruit d’un travail collectif piloté par Frédérique Macarez, maire de Saint-Quentin (02), Antoine Saintoyant, directeur de la Banque des Territoires et Dominique Schelcher, Président-Directeur général de Coopérative U.
Les co-rapporteurs proposent un diagnostic approfondi ainsi que 30 recommandations ambitieuses, dont 12 identifiées comme prioritaires, pour soutenir un secteur essentiel à la vitalité économique et au lien social des territoires.
Dans un souci d’ancrage dans la réalité du terrain, la mission a mené une cinquantaine d’auditions auprès de 104 acteurs clés du secteur : associations d’élus, représentants de fédérations professionnelles, experts de la politique de la ville et de l’entrepreneuriat. Celles-ci ont été complétées par des déplacements et rencontres locales à Caen, Toulon, Hyères Les Palmiers, Val-de-Reuil et Saint-Quentin.
Ce rapport dresse le constat d’une mutation profonde du commerce : un secteur qui se transforme mais ne meurt pas malgré les distorsions de concurrence. Les rapporteurs ont identifié plusieurs dynamiques structurantes pour mesurer l’ampleur du phénomène :

L’évolution des modes de consommation : le commerce fait face à une baisse continue de la consommation des ménages en biens (-0,4 % en 2024) et à une hausse de leur taux d’épargne, passé de 14 % en 2019 à 19 % en 2025. Dans le même temps, le chiffre d’affaires du e-commerce a atteint 175,3 milliards d’euros en 2024. Cette tendance s’accompagne d’une polarisation des achats, partagés entre la recherche de prix bas et la quête d’expériences (restauration, loisirs, services).

Une fragilité économique accrue : le secteur est marqué par une augmentation des défaillances d’entreprises, touchant de nombreuses enseignes dites “locomotives” du centre-ville. En conséquence, la vacance commerciale est repartie à la hausse après la crise sanitaire, pour atteindre 10,64 % en 2024 dans les centres-villes
et plus de 16 % dans les galeries marchandes
. Ce phénomène connait une nette accélération observée depuis deux ans.

La transformation de l’offre commerciale : le déclin du prêt-à-porter est particulièrement alarmant, le secteur a perdu près de 50 000 emplois en 10 ans. Ce recul contraste avec le dynamisme de la restauration, devenue le premier employeur du commerce avec la création de près de 100 000 emplois entre 2019 et 2024. Le centre-ville n’est plus seulement un lieu d’achat planifié mais se réinvente comme un “lieu de vie, multifonctionnel et convivial”.

Des défis spécifiques dans les 1 609 QPV de France : ces quartiers, qui comptent plus de 6 millions d’habitants, souffrent d’une carence structurelle en commerces de première nécessité, en services de santé et en services bancaires. L’immobilier commercial y est souvent obsolète et inadapté, tandis que l’insécurité constitue un frein majeur à leur attractivité, pour les clients comme pour les entrepreneurs.
30 recommandations pour agir, dont 12 prioritaires
Face à ce constat, le rapport dresse 30 recommandations, articulées autour de cinq grands axes, pour bâtir une stratégie de reconquête commerciale efficace et équitable. Parmi elles, les co-rapporteurs appellent à la mise en place d’urgence de 12 mesures prioritaires pour impulser une nouvelle dynamique (indiquées en gras).
Thème 1 : Lutter contre la concurrence déloyale
1. Lutter contre les distorsions de concurrence, via notamment un plan massif de contrôles pour le respect des normes des biens importés.
2. Renforcer le respect de la réglementation des promotions et des soldes sur les sites en ligne.
3. Instaurer une taxe dissuasive sur les achats numériques de biens importés à hauteur de 2 euros minimum par article.
Thème 2 : Lutter contre l’économie souterraine et le blanchiment
4. Renforcer les contrôles sur l’économie souterraine.
5. Développer les contrôles de notoriété avant la création des activités commerciales.
6. Créer un environnement commercial propice avec davantage de sécurité de proximité et de propreté sur le parcours marchand.
Thème 3 : Développer une stratégie commerciale claire et inclusive et élargir les pouvoirs du Maire
7. Prolonger les programmes Action Cœur de Ville et Petites Villes de Demain au-delà de 2026, avec une attention particulière portée à l’économie de proximité.
8. Créer ou mettre à jour les stratégies commerciales des collectivités via un schéma directeur commercial.
9. Élargir les pouvoirs du maire en matière d’installation commerciale dans les territoires prioritaires, avec l’instauration d’un avis obligatoire sur les demandes d’implantations commerciales et de cessions de commerces.
10. Mettre en place des comités de pilotage dédiés à la réactivation des locaux commerciaux.
11. Créer une formation des élus et techniciens sur les mutations du commerce.
12. Prolonger et amplifier les programmes de soutien à la création d’entreprises dans les territoires fragiles.
13. Dynamiser la gestion commerciale des bailleurs sociaux, notamment en les incitant au développement des structures de gestion dédiées pour les commerces et locaux économiques.
14. Soutenir la pérennisation et la professionnalisation des managers de commerce, en développant la formation continue et la certification professionnelle.
15. Développer les compétences des commerçants, notamment par la promotion d’un plan de formation à l’IA et aux outils numériques.
16. Renforcer l’animation des centres-villes.
Thème 4 : Piloter le développement du commerce de proximité et de l’ESS dans les QPV
17. Prolonger et amplifier les programmes de soutien à la création d’entreprise dans les territoires fragiles.
18. Assurer le déploiement des chefs de projet commerce dans les contrats de ville.
19. Favoriser l’implantation d’activités innovantes renforçant le lien social.
20. Soutenir le développement de fonds et de foncières solidaires pour l’économie sociale.
Thème 5 : Dynamiser les outils immobiliers et fonciers
21. Soutenir le développement de la foncière ANRU / Banque des Territoires dans les QPV.
22. Poursuivre le développement des foncières de redynamisation.
23. Créer un mécanisme facilitant le changement de destination des locaux commerciaux obsolètes.
24. Rendre obligatoires les études de programmation commerciale dans les projets urbains.
25. Faciliter l’acquisition de locaux commerciaux par les collectivités.
26. Réformer le mécanisme de déficit foncier pour les locaux volontairement vacants.
27. Réformer la fiscalité sur les locaux commerciaux vacants, notamment en réduisant le délai d’application de la taxe sur les friches commerciales à 6 mois et en mettant en place un levier fiscal incitatif pour remettre sur le marché les biens vacants.
28. Étendre le Pacte Dutreil à la reprise par un salarié.
29. Maîtriser les loyers commerciaux et leurs charges.
30. Promouvoir la création d’un bail commercial d’utilité sociale pour plafonner les loyers dans les zones en difficulté.
“Face à la profonde mutation du commerce de proximité et au plan social à bas bruit qui fragilise nos territoires, l’heure n’est plus au constat mais à l’action. Ce rapport est une feuille de route opérationnelle pour que le commerce de proximité, essentiel à la création de lien social, puisse lutter à armes égales contre la concurrence déloyale et se réinventer. La reconquête de nos coeurs de ville et de nos quartiers est possible, à condition d’agir vite, fort et collectivement. C’est un enjeu majeur pour notre cohésion économique et territoriale”, ont déclaré Frédérique Macarez, Maire de Saint-Quentin, Antoine Saintoyant, Directeur de la Banque des Territoires, et Dominique Schelcher, Président-Directeur général de Coopérative U.