GAZERAN
Le village de Gazeran s’étend sur 2850 hectares au sud-ouest de Rambouillet. Il est traversé par la vallée de la Guéville, rivière issue des canaux du château de Rambouillet et affluent de la Drouette. Cette vallée sableuse est entourée de plateaux argileux annonçant la Beauce et d’un plateau dont on a longtemps extrait la meulière si répandue dans les constructions du début du siècle passé.
Si Gazeran, perché sur la hauteur, fut le cœur historique du village, c’est le Buissonnet qui se développa le plus activement le long de la route royale, puis impériale 10 en attendant de devenir la RN 10, maintenant classée CD 906.
De nombreux hameaux font aussi partie du village ; Le Gâteau, Puy Fondu, l’Essart, le Bray, Guéville et Batonceau. Il faudrait y ajouter de nombreuses fermes isolées dont certaines ont maintenant disparu. Subsistent les fermes de Volaille, Edvilliers, la Mare, les Mandreuses et Cutesson.
Au lendemain de la seconde guerre mondiale, le maire, Monsieur Samett (maire de 1935 à 1977) eut l’idée d’aider les jeunes du village à construire leur maison en leur procurant des terrains à bon marché. Ainsi le peuplement des abords de la gare où les lotissements successifs formèrent un nouveau complexe habité et un troisième axe de développement de la commune. En 2023, c’est toujours aux abords de la gare que Gazeran c’est considérablement développé. Le Parisien publiait un classement des trente villes yvelinoises qui « cumulent le plus d’atouts pour ceux qui travaillent à Paris ou à La Défense ». À la deuxième place de ce classement, trône fièrement le petit village de Gazeran,
Notons encore qu’une vaste surface du village fut amputée par décision royale de Charles X en 1827. Elle comprenait une partie du parc de Rambouillet et tout le secteur de cette ville allant du monument américain à la rue Lenôtre. Ce secteur abritait alors, autour de la ferme de la Poste, un huitième de la population gazeranaise. Les élus protestèrent, mais rien n’y fit. L’histoire se répètera pour l’implantation du magasin Carrefour dans la zone du Bel-Air.
AUTOUR DU CHÂTEAU
Si Gazeran n’est pas cité dans la donation de 768 que Pépin le Bref fait aux moines de l’abbaye de St-Denis, il est pourtant très vraisemblable que notre village remonte aux Francs.
D’abord le nom de Gazeran est le résultat de l’évolution du terme Wazwinganum (le lieu où habite Wazwing). C’est l’affirmation du grand médiéviste F. Lot. De plus des travaux récents ont fait apparaître, sous l’église actuelle, un édifice plus ancien, donc de l’époque carolingienne. En 1053, Amaury de Montfort confie la cure de Gazeran au prieur des bénédictins de Marmoutiers établis au prieuré de St-Thomas à Épernon. La seigneurie de Gazeran appartient au début du XIͤͤ siècle à la famille de Montfort. Après Adeldime, premier seigneur connu, se succèdent Simon II, Mainier I, Roger, Simon III, Simon IV (croisé avec Saint Louis et mort de la peste en 1250), Mainier II et Simon V (mort de la même façon à Tunis en 1270).
A la famille de Montfort succèdent les Boulehart d’Épernon, peu identifiés et sans doute liés aux précédents.
En 1394, la famille Prunelé devient à son tour propriétaire de Gazeran par mariage. Cette famille est bien connue ici et se succèdent Guillaume VI, jean, Guillaume VII, François, René, André, Charles et Nicolas qui meurt en 1653, dernier mâle de la famille. Les armes des Prunelé « six annelets portés 3, 2 et 1 d’or sur champ de gueules », se retrouvent sur le porche du château, à l’église et dans le blason de Gazeran. Ce blason se retrouve encore aujourd’hui sur toutes les bornes armoriées qui entourent Gazeran. Le château passe alors à la famille de Béthune qui n’en fit aucun cas et il tomba en ruines. En 1708, il fut vendu au comte de Toulouse, fils adultérin de Louis XIV et de Madame de Montespan, devenu propriétaire du château de Rambouillet en 1705.
Le bâtiment de Gazeran en ruines devint une carrière de pierres pour construire les communs de Rambouillet !
De cette forteresse de Gazeran, il ne reste qu’une tour carrée du XIIͤͤ abritant la herse et les vantaux qui servaient à fermer la bâtisse, le tout en pierre de Gallardon est encore d’un grand intérêt (fig. 1).
Les nouveaux maîtres des lieux au lendemain de la Révolution feront construire les bâtiments actuels de style pseudo Renaissance avec une tour en brique dont le goût est plus ou moins discutable ;
En 1832, le domaine est coupé en deux par un chemin communal devenu « rue de l’église » laissant de l’autre côté un pigeonnier du XV ͤͤ (fig. 2). À coté de celui-ci fut construit au début du XXͤͤ « le Castel »,
autre imitation Renaissance qui abrita avant la guerre 39–45 « Miss Pearl White »,
célèbre vedette du cinéma américain au temps du muet et des films à épisodes multiples : « le masque aux Dents Blanches » et « Les mystères de New York ». Elle y est morte contrairement aux dires du « Guide Bleu ».
Enfin, un dernier château fut construit à Guéville par la famille du président Sadi-Carnot toujours dans le style néo-renaissance. Il a été particulièrement rénové, il y a quelques années et attend des jours meilleurs.
L’ÈGLISE
L’église actuelle a remplacé l’édifice carolingien au XIͤ puisqu’elle a officiellement été remise au prieur de St-Thomas en 1053.
C’est une église romane sur arcs brisés tant pour la nef centrale du XIͤ que pour les quatre nefs latérales datant du XVIͤ. Seul le clocher (XIIͤ et XIIIͤ) est bâti sur croisée d’ogive avec des arcs plein cintre (fig. 3).
La nef centrale était couverte en bois jusqu’en 1860. Elle tombait en ruine et fut remplacée par une voûte en plâtre. La rénovation totale de l’édifice (1970-1990) a permis la restauration de la voûte en bois. Cette restauration a fait disparaître une sacristie du XVIIͤ qui formait une véritable verrue et masquait le vitrail de l’Annonciation.
Les travaux ont permis de restaurer deux meurtrières obturées ainsi que la « porte des morts » (fig. 4).
Ils ont aussi permis de dégager deux niches et deux « piscines ».
Trois statues anciennes y prennent place ; une Vierge en bois (XVͤ -XVIͤ) provenant vraisemblablement d’une poutre de gloire.
Deux statues sans tête, trouvées dans le remblai sous l’ancienne sacristie, représentent pour l’une Saint-gilles (polychrome) et pour l’autre un médecin (Côme ou Damien). Ce sont des œuvres en pierre d’un beau drapé.
Quelques vitraux anciens méritent un coup d’œil ; trois oculus représentant la Création, la Tentation et le Combat de Jacob et de l’Ange et par ailleurs, un vitrail entier illustre trois épisodes de la vie de Moïse.
Hélas, les peintures ont presque entièrement disparu au XIXͤ et l’on ne trouve que deux croix de consécration, un tableau peu identifiable et des traces de la litre ‘bande noire sur laquelle on peignait le blason des seigneurs défunts).
Deux tableaux d’Augustin Francquelin (école de Delacroix) représentant « le Baptême du Christ » et « la Crucifixion ».
Le chemin de croix très original dû au maître verrier Claude Baillon, un enfant du village, est fait d’un tissage symbolique en fil d’Aubusson placé sous altuglas de façon à refléter les vitraux et à éclairer les murs.
Notons enfin qu’en haut de la rue de l’église, devant l’entrée du château se trouve un calvaire dont la croix fut remise en 1879, le socle portant cette mention : « 1691 – Au nom de Jésus prie pour les trépassés ». S’agit-il de défunts nombreux dus à la famine, à une épidémie ou de victimes des loups… Le débat reste ouvert.
LES ÉQUIPEMENTS
- La gare
Dans le plan Guizot de 1842, la ligne Paris-Chartres-Rennes fut envisagée dès 1845. Elle traverse Gazeran sur une distance de 6 Km et exigea la construction de deux ponts ; celui de la Monnerie et celui de la Gaude.
La distance Rambouillet-Épernon étant de 13 Km, Gazeran demanda à de multiples reprises et pétitions à l’appui, une halte. Soudain, stupéfaction !! C’est St-Hilarion qui est choisi. L’appui des communes voisines (Émancé, Poigny, Hermeray, …) fit changer la compagnie de l’Ouest et la gare fut inaugurée à Gazeran le 3 juin 1900.
Une gare de marchandises nécessaire pour le transport des denrées agricoles importantes et plus encore pour l’usine des fours à chaux de M. Voirin, située entre Gazeran et Rambouillet, fut finalement refusée en 1921.
- Le cimetière
Le terrain autour de l’église fut acheté en 1832 et payé par M. Blanchard dont le tombeau familial existe toujours et fut le premier érigé.
Le cimetière a accueilli les restes du général Humbert au passé glorieux et transféré en 1931 aux Invalides. Ce général est né à Gazeran où il a toujours sa place auprès du monument aux morts.
Depuis quelques années, un nouveau cimetière a dû être ouvert, le précédent étant totalement occupé.
- La poste
Demandée en 1907, elle fut accordée l’année suivante et exigea la construction d’un bureau payé par la commune et qui existe toujours… pour longtemps, espérons nous, mais rien n’est moins sûr.
- École et Mairie
On connaît le nom des « maîtres » (instituteurs) de Gazeran depuis 1677, gens souvent pauvres et sans grands moyens matériels.
Un projet d’école nouvelle sur l’emplacement de l’ancienne est établi en 1845, réalisé en 1851 et rénové en 1891. C’est l’ancienne école mairie située au haut de Gazeran et toujours marquée du sigle « Mairie ».
La loi du 4 avril 1867 oblige à séparer filles et garçons : une cloison est édifiée, mais cela ne suffit pas. En 1876 est achetée une très belle demeure du XVIIIͤ appartenant à M. Bizet : ce sera l’école des filles (actuellement 7, rue de la Mairie). Les deux sexes sont bien séparés !
En 1928, un terrain est acheté à la butte de l’Orme pour y édifier une nouvelle mairie-école, celle-ci regroupant filles et garçons au grand scandale d’un certain nombre. Pour bien marquer la séparation, on parlera des « écoles », la rue y conduisant portant d’ailleurs ce nom curieux.
Cette mairie a été agrandie en 2006-2007 pour répondre aux besoins du temps et aussi pour faciliter l’accès aux personnes âgées ou handicapées.
- Électricité/Eau
La compagnie Ouest-lumière commença l’électricité du village en 1926 et cela ne fut achevé par EDF en 1947 ! L’auteur de ces lignes apprenait ses leçons à la lampe à pétrole en 1946 et cela à 30 mètres de l’école !
L’adduction d’eau envisagée en 1936 a dû être retardée du fait de la guerre. Adoptée en 1954, elle fut réalisée en 1956. Le tout-à-l’égout suivra quelques années plus tard.
- Salle des fêtes
En 1945, le maire récupéra une baraque en bois qui abritait les gardes du maréchal Pétain en 1944. Ce fut la première salle des fêtes et elle fit un long usage accueillant les soirées cinématographiques, puis les spectacles des prix, de la « Maison des jeunes »….
Ayant bien mérité, cette salle fut remplacée par la salle actuelle en 1978, ce qui permet une multitude d’activités dans tous les domaines.
Ajoutons enfin qu’en 1988, la commune acheta le domaine de la « Garenne » qui est devenu un vaste et agréable lieu de promenade autour de l’étang alimenté pas la Guéville.
– QUELQUES PAGES D’HISTOIRE POUR FINIR.
Gazeran traversé par la N 10 vit successivement partir en exil Napoléon Ier, puis le roi Charles X.
La guerre de 1870-1871 coûta fort cher au village et un chemin dit « Chemin prussien » rappelle ces moments douloureux ; il va du CD 906 au GR 1.
La situation du village en 1914 est curieuse : pour 614 habitants, le village recense une quarantaine de commerçants et artisans en tout genres. Les grandes surfaces et les moyens de communication ont tué presque toute vie locale aujourd’hui.
Ces 614 habitants payèrent un lourd tribut à la grande tuerie puisque 38 enfants du pays y laissèrent leur vie. Le monument aux morts, œuvre de Péju, marbrier à Èpernon, fut inauguré le 9 octobre 1921. La municipalité félicita alors vivement le général Humbert, généreux gazeranais, fait grand officier de la Légion d’honneur.
En 1940, le passage de la RN 10 où fuyaient les français de l’exode valut au village la chute d’un certain nombre de bombes (18 ?) larguées par les avions italiens et dont la plupart tombèrent dans le parc. Certaines maisons furent ainsi bombardées…
En mai 1944, les allemands sentant la situation se dégrader décidèrent de garder dans la région parisienne le maréchal Pétain qui avait quitté Vichy pour se rendre à Paris et honorer les victimes des bombardements. Pour la première fois depuis 1940, le maréchal retrouvait la capitale. Il fut logé au château de Voisins et se rendit à l’église de Gazeran pour la messe de la Pentecôte.
Trois mois plus tard, le général de Gaulle s’arrêtait à Gazeran. Il se rendait à Rambouillet d’où il donnerait au maréchal Leclerc l’ordre de marcher sur Paris… Ainsi va l’Histoire !
Espérant que ces quelques lignes inciteront ceux qui ne connaissent pas encre notre village à venir le découvrir. S’ils souhaitent un guide, je serai volontiers celui-ci.
Texte d’Alain Guyot.
Dessins de Pascale Robbe-Durand.